lundi 31 mars 2025

Les larmes des fêtes


Les fêtes… Archipels de lumière dans l’océan du temps, moments de bonheur parmi les proches, instants de joie partagée, éclats de rire débordants.

En ces jours de célébration, les chaudes étreintes enveloppent l’âme d’une douce chaleur.

Pourtant, dans le flamboiement des retrouvailles, dans l’exubérance de l’allégresse, des peines anciennes, tapies dans l’ombre du cœur, se ravivent avec une acuité nouvelle.

Comme une note discordante dans une symphonie festive, un vide lancinant et tenace, murmuré par des présences devenues échos, rappelle l’insondable vacarme du silence. Ce murmure, celui de l’absence irrémédiablement perdue, est si prégnant qu’il en devient une présence fantomatique.

Il y a des places vacantes, non seulement autour de la table, mais au creux même de mon existence. L’absence de ceux qui ne sont plus, que la chaleur des retrouvailles et l’éclat des lumières ne font qu’aiguiser davantage, ravive cruellement les cicatrices laissées par le passage du temps.

L’esprit erre alors vers des temps où les liens semblaient immuables, naïvement confiant en la pérennité des choses. Et je me prends à murmurer les paroles du poète Aznavour : Et moi dans mon coin, si je ne dis rien, je remarque toutes choses. Je revois des gestes, des regards, des complicités muettes, dont la permanence semblait défier le temps lui-même.

Était-ce une illusion ? Ou la vie, dans son cours imprévisible, se charge-t-elle simplement de remodeler nos certitudes les plus chères, nous laissant désemparés sur le rivage de nos propres attentes ?

Au milieu de l’éclat général, je me surprends à observer les autres, leurs interactions, la facilité apparente de leurs connexions. Et dans ma solitude, je médite sur la nature éphémère du bonheur, sur ces fils invisibles qui nous relient les uns aux autres, et qui, parfois, sans que l’on comprenne tout à fait pourquoi ni comment, s’effilochent ou se brisent.

La fragilité de la vie me rappelle que certaines portes, une fois fermées par le temps ou les circonstances, résistent à toutes les clés.

Au milieu de la fête, entouré de proches, mais terriblement seul dans un monde qui semble vide, l’envie de pleurer m’envahit, me serre la gorge. Les mots du poète résonnent en moi : Et moi dans mon coin, si je ne dis rien, j’ai le cœur au bord des larmes. Et moi dans mon coin, je bois mon chagrin.

Pourtant, les larmes refusent de se libérer, de m’offrir un répit.

Même lorsqu’elles coulent, même les plus sincères, même les plus ferventes, elles ne sont qu’une pluie salée sur une terre durcie. Elles nourrissent le chagrin, sans jamais pouvoir faire refleurir le passé, ni ramener ceux que le flot impitoyable de la vie a emportés loin de ma rive.

Les larmes versées témoignent de l’amour qui demeure.

Elles révèlent aussi l’impuissance face à des êtres irrémédiablement disparus.

Pendant ce temps, la fête poursuit son cours, indifférente aux peines enfouies qui m’habitent. 

A lire aussi sur : https://www.lodj.ma/Les-Larmes-de-la-fete_a128958.html

samedi 15 février 2025

AUX PORTES DES ETOILES : Note de lecture de Jade Bounouas _ Maroc Hebdo - 2/2

 MAROC-HEBDO

«Aux portes des étoiles» de Rida Lamrini : A la recherche du parent perdu

«Aux portes des étoiles», publié en décembre 2024 par Rida Lamrini, relate la quête obsessionnelle de Salim, chercheur en infectiologie, déterminé à retrouver son père, Rayan, disparu dans un vol dont on n’a jamais retrouvé la trace.

Par Jade Abanouas
Publié le 14 février 2025 à 11:28. | 3 min de lecture






vendredi 14 février 2025

AUX PORTES DES ETOILES : Note de lecture de Jade Bounouas de Maroc Hebdo - 1/2

 MAROC-HEBDO

«Aux portes des étoiles» de Rida Lamrini : A la recherche du parent perdu

«Aux portes des étoiles», publié en décembre 2024 par Rida Lamrini, relate la quête obsessionnelle de Salim, chercheur en infectiologie, déterminé à retrouver son père, Rayan, disparu dans un vol dont on n’a jamais retrouvé la trace.

Par Jade Abanouas
Publié le 14 février 2025 à 11:28. | 3 min de lecture


Le roman « Aux portes des étoiles » est écrit par Rida Lamrini et publié aux éditions Afrique Orient. L’ouvrage se veut une quête existentielle et filiale, une méditation sur le pardon et la mémoire. On y suit les « pérégrinations » d’un jeune chercheur en infectiologie, Salim, qui n’a qu’un but : retrouver son père, disparu dans un vol qui n’a laissé aucune trace. Ce père, Rayan, était docteur en génétique et en immunologie, admiré de tous. Son mariage fut un échec. Sa femme, après l’avoir quitté, lui intente un procès, moins par ressentiment que par intérêt, déterminée à s’approprier une part de ses biens. Dévoré de jalousie, accablé par des rancœurs domestiques, il eut une existence contrariée, dont il se consola en multipliant les conquêtes, car il savait plaire aux femmes. Il a laissé derrière lui un roman inachevé, dont son fils écrit le dernier chapitre sous une sorte d’inspiration quasi mystique, et que tout le monde s’accorde à trouver très beau.

Ce chapitre, litanie du pardon et réconciliation posthume, lui donne l’illusion d’un dialogue retrouvé et ravive son obsession de retrouver son père, qu’on dit mort mais dont il refuse d’accepter la disparition, persuadé qu’une vérité lui échappe encore. Rongé par le remords de l’avoir délaissé, il veut réparer son erreur, pénétrer l’énigme de cette absence, et honorer sa mémoire. Il s’ensuit alors une recherche sans trêve. Le héros rassemble témoignages, indices, coupures de journaux, et peu à peu les signes se recoupent, la certitude s’impose : le père n’a jamais pris le funeste avion, mais a décidé de disparaître sans tenir personne au courant. Les deux hommes se retrouvent enfin. Durant cette quête Salim est tout entier absorbé par son malheur. Il parle peu, mais soupire beaucoup. Il est triste et sérieux. Il réprime souvent des sanglots, et à tout moment sa voix menace de se briser. Il souffre sans se laisser distraire – sauf lorsque le chagrin le cède aux appétits terrestres. Car fort heureusement, il reste homme, et la douleur, si envahissante soit-elle, connaît des accalmies. Il lui arrive de détourner le regard de son abîme intérieur pour s’attarder sur un joli décolleté, sur la courbe d’une hanche, sur une belle chevelure rousse, sur un sourire de femme un peu appuyé. La mort l’obsède mais la chair l’attendrit.

Décrypter le génome
Les femmes qu’il croise, Florence d’abord, puis Emilie, semblent étrangement fascinées par lui. Est-ce son intelligence ? Son mystère ? Son talent d’écrivain, unanimement salué et dont plus personne ne doute après qu’il a écrit trois pages et demi au bord d’un lac ? Le roman ne nous l’apprend pas ; mais elles tombent promptement sous son charme ; il est vrai qu’un homme qui ne parle que de son père disparu et de ses tourments existentiels possède sans doute un magnétisme insoupçonné. Qu’importe, elles l’écoutent, le soutiennent, l’admirent, lui ouvrent vite et les bras et les jambes. Mais les conversations s’élargissent bientôt et la liaison avec Émilie donne lieu, entre amoureux, à des échanges de courrier intéressants sur la philosophie et la science. Le héros daigne alors s’ouvrir sur ce qui fut, avant l’obsession du père, sa passion première: comprendre. Car de bonne heure, il a voulu décrypter le génome et forcer la vie à livrer son secret. Le style est réduit à l’essentiel. Les phrases sont courtes, directes, télégraphiques. Il y a une économie extrême des moyens: peu de subordination, peu d’effets de rythme, une syntaxe fonctionnelle qui avance par petites saccades. L’effet est celui d’un récit qui progresse par à-coups, et l’on avance comme on monte un escalier un peu raide. L’usage systématique du présent de narration est curieux, il confère une immédiateté apparente. Mais s’il manque de liant, le texte va droit au but.