jeudi 9 décembre 2021

Bibliographie de Rida Lamrini


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Début été 1999. 
Un an après  « Le Maroc de nos enfants ». 
Un feuilleton débute dans un  quotidien. À l’instar des grands quotidiens français du début du 20ème siècle. Captivant. Décapant. Une première au Maroc. On était loin de s’en douter, c’était le premier tome de La saga des Puissants de Casablanca, et le début d’une longue carrière littéraire pour Rida Lamrini qui, depuis, s’est essayé à tous les genres : romans, essais, récits, mémoires…
Attention ! Une fois entre les mains, les ouvrages de Rida Lamrini ne vous lâchent plus ! Rassurez-vous, ils font beaucoup de bien.

Ci-après, un rapide survol de son œuvre. 

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Le Maroc de nos enfants

« Un ouvrage audacieux qui dénonce toutes les formes d’abus qui menacent le progrès et le développement du Maroc. C’est un essai précis, généraliste (social, économique, politique…), audacieux et pertinent qui mêle les statistiques au récit et aux contes ». 

Le Reporter (21 avril 1998)

« Rida Lamrini, se révèle un analyste, qui constate, analyse, ennemi de l’attentisme, du déterminisme, de l’éducation par obéissance veule et la contrainte asservissante. Il faut lire ce livre, le relire, y réfléchir même si l’on n’est pas d’accord avec tout ce qui est exprimé, pour relever sa manche, en ces jours d’alternance et rejoindre les chantiers en attente… Cette "diatribe", cette "chevauchée" contre des faits où, il faut le reconnaître, bien des choses ont été oubliées, est la preuve de l’amour de l’auteur pour son pays et son peuple et la métaphore même de ses préoccupations quant à l’avenir ».

Al Bayane (2 avril 1998)

« Enfants d’aujourd’hui, adultes de demain, avons-nous répondu à vos attentes ? Seriez-vous fiers de votre héritage dans le monde des nations civilisées ?… ». Ce sont là quelques-unes des questions qui ont poussé Rida Lamrini à écrire "Le Maroc de nos enfants". À travers de multiples situations, l’auteur développe deux axes principaux : l’éducation des enfants et les usages du monde politique. Avec tendresse et humour, l’auteur soulève dans le "Maroc de nos enfants" des enjeux majeurs de société.

L’Économiste (16 avril 1998)

 Les Puissants de Casablanca

« Les Puissants de Casablanca » débute à Derb Talian. Ba Lahcen, marchand ambulant de son état, est pris dans une rafle pour non port de pièces d’identité. Cela lui vaut un séjour de trois jours en prison. Sa fille Aïcha, assiste au meurtre de son amie par un fils de puissant. Elle s’enfuit, effrayée par une justice qu’elle sait faite pour les puissants. Jour après jour, l’auteur, Rida Lamrini, nouveau venu sur la scène littéraire après son essai « Le Maroc de nos enfants », nous a tenu en haleine.

Avec un style léger, épuré, il nous entraîne dans les péripéties de la société schizophrénique casablancaise. Ses personnages ressemblent à notre voisin de palier ou au gardien du coin. Amine l’entrepreneur, revenu du Canada avec sa famille, des projets plein la tête et des rêves au creux de la main, est happé par la terrible campagne d’assainissement. Youssef, le journaliste, poursuit l’idéal d’une société de justice. Yamani, magnat de la finance, règne sur un empire, au-dessus des lois et des règles. Il est la loi.

Haletant, le roman nous laisse en pan, avec un meurtrier impuni, un Amine, écœuré, sur le point d’embarquer pour Montréal et un Youssef qui tente de le retenir.

Les Puissants a été porté à l'écran. Voir le film.

Les Rapaces de Casablanca

Un an plus tard, entraîné selon ses propres aveux par ses personnages et les événements, Rida Lamrini récidive en 2000 avec « Les Rapaces de Casablanca ».

 Il nous fait revivre l’atmosphère de l’année 1997, une année de grandes espérances, mais également, selon ses termes, de grandes désillusions. Talabi, l’arrogant député et président de commune, prend le devant de la scène avec ses magouilles politiciennes et électorales. Le système est mis à nu, la voracité de notre personnel politique dévoilée. Au milieu des intrigues, émerge sa fille, la douce Yasmina, totalement dévouée aux enfants de la rue. Son histoire d’amour avec Youssef, farouche adversaire de son père, campe un drame cornélien et donne une charge émotionnelle et une dimension humaine à une trame romanesque toujours captivante qui nous mène jusqu’à l’avènement de l’alternance, moment politique qui a cristallisé tous les espoirs d’une société assoiffée de justice, avide d’un mieux-vivre.

 Le Temps des Impunis

2004. « Le temps des impunis », troisième de la Saga, s’inscrit dans la même veine. De son exil italien, Aïcha apprend la nomination d’un gouvernement d’alternance conduit par un opposant qui incarnerait le changement. Elle reprend espoir de voir justice rendue à la mémoire de son amie Lamia. Les enquêtes sur une série de meurtres menées par Bachir, l’intègre inspecteur de police, et Oussama, le sémillant enfant de la rue, s’entrelacent pour se rencontrer dans les méandres de réseaux occultes.

Abdeslam, opposant farouche, quitte rapidement son statut de militant de la première heure et se glisse dans son nouvel habit de ministre insipide et docile de l’alternance, au grand dam d’une société devenue subitement orpheline de porteurs de projets et d’inspirateurs d’espérance.

Youssef, fidèle à ses engagements jusqu'à la limite du tragique, incarne le combat de générations avides de dignité, assoiffées de vérité, incrédules devant une justice curieusement muette face aux privilégiés du pouvoir qui continuent d’évoluer impunément au-dessus des lois.

Avec un talent de conteur, Rida Lamrini nous fait revivre avec son style captivant les événements majeurs de notre pays, depuis 1998 jusqu’à un certain vendredi du printemps 2003. De façon crue, sans détours.

Analyse profonde et sans concession de notre société entre la fin d’un règne et le début du suivant, la Saga des Puissants de Casablanca, une première dans le genre, est une œuvre fruit d’un travail de longue haleine. Témoin de son temps, tel un peintre impressionniste, traquant avec patience les détails des comportements, à l’affût des traits de caractères secrets, Rida Lamrini, à travers une fiction romanesque palpitante, procède par petites touches et explore une société traversée par ses espérances, déchirée par ses antagonismes. La Saga aura-t-elle une suite ? L’auteur répond : «  Ce n’est pas moi qui décide. Ce sont les événements qui décident pour moi. »

 Y a-t-il un avenir au Maroc, me demanda Yasmina

Les événements décident pour lui lorsqu’une jeune fille lui pose la question : « Monsieur, Y a-t-il un avenir au Maroc ». Question anodine, qui hante les Marocains.

Tentant d’y répondre, cet ouvrage, publié en même temps qu’est rendu public le rapport sur cinquante années de développement humain, explore pourquoi le système de gouvernance politique n’a pas permis d’apporter de solutions aux problèmes d’ordre économique, social et politique du Maroc. Clé de toute solution, le système de gouvernance détermine la nature, la cadence et l’audace des mesures exigées par le Maroc souhaitable.

Quel rôle doit jouer le gouvernement ? Selon quel mode de scrutin élire les représentants de la nation ? Qu’attendre des partis politiques ? Comment assurer l’accès au pouvoir d’une majorité forte, démocratiquement choisie ? L’examen de ces questions existentielles, déclinées de l’interpellation de Yasmina, aboutit à des propositions concrètes de nature à alimenter le débat auquel les Marocains sont invités.

Rida Lamrini livre sa réflexion, sous une forme où le substantiel s’entremêle à l’imaginaire. Les personnages sont tout sauf fictifs. C’est vous, c’est elle, ce sont les Marocains, face à leur destin, appelés à se mobiliser au service d’un projet national partagé.

L’Université marocaine, autrement

A World Class University

L’on sait depuis longtemps que le temps et l’argent sont parmi les ingrédients essentiels pour créer “A World Class University”. Souscrivant à cette exigence, le Maroc a consacré dès l’indépendance des sommes colossales pour ne recueillir comme résultat que ce paradoxe d’entreprises à la recherche de compétences introuvables et de rues gorgées de diplômés en désespoir d’un emploi hypothétique !
Avec le temps, la problématique a gagné en complexité, le temps et l’argent n’étant plus les seuls facteurs nécessaires pour l’université idéale. Nombre de marocains ont désespéré de voir se réaliser ce haut lieu de transmission du savoir et d’acquisition des compétences. Pourtant… une réforme du système d’éducation et de formation est en cours. Pour l’essentiel, les ingrédients sont réunis. Du moins sur le papier. Avec de l’imagination et une vision, saurons-nous donner un contenu concret à cette réforme et verrons-nous bientôt émerger la “World Class University” tant rêvée ? 
Fidèle à sa démarche, critique du présent et porté vers l’avenir, Rida Lamrini revient à l’essai, le genre qui l’a fait connaître. Préoccupé par la réforme en cours du système d’éducation et de formation, il livre sa réflexion sur les espérances suscitées par l’université, un sujet qui peine à figurer dans les priorités de l’agenda politique.

Les Chevaliers de l'Infortune

Comment, d’épiphénomène au début des années 90, la microfinance marocaine est-elle devenue une  activité socio-économique consacrée ? 
Qu’est-ce qui a valu au Maroc d’être primé par les Nations Unies en 2005 ?
Quels sont ces femmes et ces hommes, pionniers de la première heure, doux rêveurs de la lutte contre la pauvreté qui finirent par réaliser l’impensable : les pauvres sont en mesure d’emprunter ! En retour, ils honorent leurs engagements et remboursent leurs dus ! Leurs réalisations, ont-elles suivi un long fleuve tranquille, ont-elles vu le jour dans la douleur ?
À travers les portraits de femmes et d’hommes, souvent méconnus, Les chevaliers de l’infortune, la genèse relate la première décennie du microcrédit, nous fait vivre les émotions de celles et de ceux qui en furent les précurseurs, jette des lumières inhabituelles sur des péripéties ignorées.

Le monde n’est pas facile à croquer dans une chronique

Rida Lamrini tint durant deux ans pour le quotidien Aujourd’hui le Maroc une chronique chaque mercredi sur ses colonnes. Pour éviter le piège du chroniqueur docte, détenteur de la science infuse, l’auteur créa des personnages fictifs, acteurs d’histoires imaginaires qui se chargent de véhiculer les réflexions, formuler les interrogations, porter les inquiétudes.

Plusieurs fois, l’auteur a connu la panne sèche, est resté figé devant l’écran noir. Mais le rendez-vous avec les lecteurs ne peut pas attendre. Ainsi fut née Le monde n’est pas toujours facile à croquerDes fois, il fallait trouver le temps de coucher la chronique résultat d’une subite inspiration : Les clés du bonheur, d’un coup de cœur : L’héritage des géants, d’un moment rare : La ville où l'on écoute le silence, ou d’une forte émotion : Et puis vint ton tour de partir.

Bien des fois, la chronique est inspirée d’un vécu : Les lutins du bonheur ou Non, tu n'es pas seule, par un personnage particulier : Mon coiffeur, ou suite à une rencontre : Mon chauffeur de taxiLes bizarreries de la vie ont dicté des textes tels Exister… mais sur papiers, ou encore Tribulations d’un cycliste en ville. Des fois, c’est un trop plein d’émotion qui déclenche le flot des mots : Quand il ne reste qu’un seul mot, Zahira, Khaoula.

L’état du monde et les inquiétudes qu’il suscite ont été à l’origine de Un monde à comprendre, ou Le temps des incertitudes, ou Illisibles incertitudes. Des moments de doute ont surgi Un jour…, ou M’as-tu vraiment aimée un jour ?

Et c’est ainsi que, suivant le cours de la vie et des événements, au gré des situations vécues et des personnes rencontrées, en fonction de l’air du temps et de l’humeur ambiante, les chroniques se sont insensiblement enfilées les unes après les autres, pour former Le chapelet de jours

Durant deux années qu’avait duré cet exercice, l’auteur a tenté d’appréhender un monde qui ne se laisse facilement croquer… en une chronique.

Tant que je peux te dire je t’aime

À l’autre bout du monde, un homme en souffrance se motive pour sauver son foyer à son retour au Maroc. À son grand désarroi, la vie a libéré d'insaisissables fantômes, déterré de mystérieux cadavres, révélé de sinistres spectres dont il ignorait l’existence.

Hippie invétéré, écrasé par son destin, il part en quête d’amour de bras en bras, de ville en ville, allant de Casablanca à Kuala Lumpur, Moscou, Paris, Nairobi, Venise, Marrakech, Ouarzazate.

Pour apaiser son âme, il confie à des mots sa peine, ses amours éphémères, son errance sans fin. Les phrases s’alignent, les chapitres s’enchaînent, les personnages prennent vie. Un roman de la vie naît de son vécu avec une crudité saisissante.

Quel est cet amour à la recherche duquel il est parti aux quatre coins de la terre ? Fallait-il qu’il passe dans la quatrième dimension d'un monde surréel de rêves, de visions et de fantasmagories, pour qu'il rencontre cet être auquel il peut enfin dire je t’aime, écrire avec lui à quatre mains le dernier chapitre de leur vie, transcender l’infinitude du temps par l’amour ?


samedi 20 novembre 2021

Hommage à Ahmed Snoussi


À New-York, de l’autre côté de l’Atlantique, pendant qu’au Maroc le mouvement du microcrédit continuait à être ponctué de créations d’associations nouvelles, un homme d’É
tat dans ses bureaux de la Représentation permanente du Royaume du Maroc aux Nations Unis songeait à comment venir en aide aux démunis de sa ville de Meknès.
 
Personnage haut en couleur, brun de teint, le geste raffiné, Ahmed Snoussi a un regard qui scintille selon les moments d’un humour d’une inimitable finesse, ou des éclats d’une vive intelligence. Ce que l’on sait moins, en raison d’une discrétion presque maladive de cet homme, c’est qu’il est un peintre à l’art consommé et un poète d’une rare sensibilité. Sa carrure de gros nounours cache un cœur tendre qu’il tient en permanence au creux de la main, à portée d’autrui. Homme d’engagement, au franc-parler, il vibre d’une profonde fibre sociale. Les facultés qui ont fait de lui un brillant diplomate lui ont permis de se frayer sans trop de dommages un chemin dans les hautes sphères du régime et, d’esquiver, sinon d’amortir, les inévitables coups de Jarnac de courtisans avides de pouvoir. Homme du sérail, Ahmed Snoussi finit sa carrière en tant que Représentant du Royaume aux Nations Unies et Président du Conseil de Sécurité, après avoir assumé les plus hautes charges de l’État. Ses qualités humaines exceptionnelles expliquent la sollicitude dont l’avait entouré Hassan II, dont il fut l’un des plus fidèles confidents et francs conseillers. 
L’on comprend mieux ce qui fait vibrer ce personnage à la lecture de son recueil de poèmes et de tableaux Rêves et fantaisies, à partir desquels furent confectionnés des tapis vendus au profit de l’enfance handicapée de Meknès :

« Pendant les quarante années de ma carrière diplomatico-économique, … j’ai pu esquisser, pour ne pas dire gribouiller, quelques dessins qui sont plus des fantaisies et des fantasmes que ce qu’on pourrait appeler avec prétention des œuvres et encore moins des œuvres d’art… Si je n’ai pas signé de mon nom, c’est parce que c’était l’unique occasion qui m’était donnée de rendre un modeste hommage à ma mère, Hajja Kheira, qui fut cette dame merveilleuse, extraordinaire, qui m’a élevé et a ouvert mes yeux dès le plus jeune âge à la vie.
Je crois bien que c’est elle qui m’aura inculqué tout ce que j’avais commencé à savoir de la générosité, de l’amour du prochain, de la fidélité et sans aucun doute aussi, de la grandeur de Dieu, le Tout-Puissant, le Miséricordieux… Elle m’a répété tant de fois qu’il fallait aller vers ceux qui ont besoin de notre aide. Et jusqu’à la veille de sa disparition elle insistait encore et toujours : "Mon fils, ne méprise jamais les petits, demeure fidèle à ta parole et à tes amis, et ne te trompe jamais sur toi-même. »

Jovial, Ahmed Snoussi est mieux décrit par sa poésie :

Troubadour d’un autre siècle
Ou clown à la recherche de son rôle et de son personnage
Rire pour faire rire
Rire pour cacher sa peine et soulager sa douleur
Rire pour affronter ceux qui croient tout savoir
Rire pour désarmer ceux qui sont convaincus de tout pouvoir
Rire pour rire, n’est donné qu’à ceux qui sont bénis

Cet homme, à la tête de l’Association du Grand Ismaïlia, alerta un jour de New York ses amis de Meknès et leur demanda d’envoyer un représentant pour participer à la première rencontre du Microcredit Summit, tenue les 2, 3 et 4 février 1997 à Washington DC, à l’instigation d’une ONG américaine. L’objet était de rassembler les praticiens du microcrédit, les avocats, les institutions éducatives, les bailleurs de fonds, les institutions financières internationales, les ONGs, en vue de soulager la pauvreté par la microfinance. Ouvert par Hillary Clinton, le Sommet réunit 3.000 participants provenant de 137 pays et décida le lancement d’une campagne pour faire bénéficier 100 millions des familles les plus pauvres du monde du microcrédit, particulièrement les femmes, avant 2005.

Convaincue par l’intérêt du microcrédit, l’Association du Grand Ismailia décida de créer en 1998 une institution de microcrédit, entièrement financée les membres et des militants Meknassis.

De retour au Maroc après sa mission à New-York, Ahmed Snoussi consacra le restant de ses jours aux pauvres de sa ville Meknès, et ceux du reste du pays, œuvrant de concert avec ses confrères dans le microcrédit, auxquels il apportait sa large expérience, son riche relationnel, son aura incomparable. Durant les années où j’avais présidé au sort du microcrédit au Maroc, j’avais trouvé en lui le confrère sincère, le conseillé avisé, l’ami fidèle. 

Ahmed Snoussi nous a quitté un lundi 11 octobre 2021, à l’âge de 92 ans. L’histoire retiendra qu’il fut un des précurseurs de la diplomatie marocaine. 

Dans son message de condoléances à la famille, S.M. le Roi Mohammed VI l’a décrit comme un grand patriote et un homme d’État connu pour son abnégation et son altruisme au service des intérêts de la Nation dans les différentes hautes responsabilités qui lui avaient été confiées, un brillant ambassadeur et un digne représentant de la diplomatie marocaine lors des rassemblements internationaux et dans plusieurs pays, de même qu’il incarnait un exemple d’ouverture, de dévouement sincère et de défense des justes causes de la Nation et de ses constantes et sacralités.

Ahmed Snoussi fut un homme exceptionnel. Il m'a marqué par son intelligence pénétrante, sa gentillesse débordante, son humour incomparable.

Il vit toujours dans mon cœur... il est présent dans mes souvenirs.

*

Une autre facette de Ahmed Snoussi :

Formes martiennes ou créatures de nulle part.
Elles sont venues nous montrer dans leur équilibre et leur sérénité
que le bonheur, sans aller bien loin, est là, devant nous.
Elles sont venues nous dire aussi, 
que la générosité est un don et une bénédiction de Dieu. 
L’extase est plus que le plaisir. 
Et voir un homme sourire parce que vous avez soulagé
sa peine ou son angoisse, 
c’est déjà la félicité.


Ahmed Snoussi, Président d’Ismailia Microcrédit
in Rêves et fantaisies


mercredi 25 août 2021

Je me souviens… The sweet sixties

Extrait du roman "Tant que je peux te dire je t'aime"


La caserne était calme, le parc désert. Les rayons du soleil se faufilaient entre les feuilles des arbres. La chaleur de juillet poussait les créatures vers la pénombre. J’étais assis sur un banc sous un arbre, dans le parc abritant l’alignement des maisons d’officiers de la garnison. Mes neveux jouaient non loin, heureux d’être en vacances. Mon frère allait bientôt rentrer pour le déjeuner. Il commandait la caserne. Je n’en étais pas peu fier.

J’étais fébrile. Demain je connaîtrais mon baptême de l’air. Pour les miens, j’allais à Paris passer les épreuves orales d’accès aux grandes écoles d’ingénieurs après avoir réussi les examens écrits. Pour moi, j’irais retrouver mes condisciples hippies.

J’avais ouvert mes yeux d’adolescent sur la philosophie hippie, comme Obélix était tombé dans la marmite de potion magique à sa naissance. Nous voyions le monde sans pays ni frontières. Nous vivions la révolution menée par Bill Haley, Chuck Berry, Elvis Presley, Jerry Lee Lewis, Buddy Holly, Rudy Valens, Little Richard, Eddie Cochran. Je chantais Bob Dylan, fredonnais Joan Baez, planais avec The Doors, vibrais aux riffs d’Eric Clapton. Je criais She Loves You, Yé Yé Yeah ! Je dansais aux cuivres de Aretha Franklin, Percy Sledge, Chubby Checker, Wilson Pickett, James Brown, Otis Redding. Peu savent que notre mouvement était nommé d’après le vocable africain hip, dérivé du wolof hipi, qui signifie ouvrir ses yeux. Je portais ses apparats, arborais ses signes. Ma chemise était ornée de fleurs, mon pantalon avait des pattes d’éléphant, ma chevelure tombait sur mes épaules, au grand dam de mon frère, officier militaire, et d’une société qui nous avait affublé de scarabées à cause de notre chevelure qui ne cessait de s’allonger, symbolisée le mieux par The Beatles.

Baby-boomers idéalistes, nous suivions Timothy Leary, Ken Kesey, chantres de la contre-culture hippie, la sexualité libre, la musique psychédélique. Nous rejetions traditions, ordre établi, société de consommation. Nous étions ouverts à d’autres cultures, d’autres perceptions sensorielles. Nous voulions vivre libres, authentiques. Nous rêvions d’amour, compassion, entraide, bonheur, humilité, empathie. Nous rejetions l’égoïsme, l’orgueil, l’envie, la guerre. Nous voulions un monde où la religion ne divise pas les hommes, mais réunit les âmes. Un monde où l’on vaut par son concours au bien-être de sa communauté, sans être discriminé pour sa peau, son ethnie, sa religion, son sexe. Un monde que Thomas Jefferson avait défini en 1776 : Tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu’une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l’abolir et d’établir un nouveau gouvernement.

En ce juillet 1969, ­­­­­­­­­­­­­­­­­je voulais juste vivre le bonheur décrit par John Lennon : Quand j’avais 5 ans, ma mère me disait que le bonheur était la clé de la vie. À l’école, ils m’ont demandé ce que je voulais être quand je serai grand. J’ai répondu "heureux". Ils m’ont dit que je n’avais pas compris la question. J’ai répondu qu’ils ne comprenaient pas la vie.

Mon frère Abdallah arriva. Nous passâmes le reste de la journée à préparer mon voyage. Mes neveux virevoltaient autour de moi, fiers de voir leur oncle devenir le premier ingénieur de la famille. Fatma, leur tendre maman, m’aidait à faire ma valise, me conseillait sur comment me prendre en charge, moi qui avais toujours vécu dans les internats. Mon frère s’assurait que j’avais mes documents et mon argent, me soufflait les astuces pour vivre à Paris.

Cette nuit-là, une Caravelle décollait de Casablanca, m’emmenait vers Sergeant Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Le soir suivant, je communiais avec mes coreligionnaires dans les boîtes de la rue Mouffetard aux sons de la pop et soul music. Quelques jours plus tard, je traversai la Manche et, en compagnie de Mhamed, un être cher qui a marqué de façon indélébile mon séjour chez les britishs, je traînai dans les bars underground de Carnaby Steet, aux sons de The Stones, The Small Faces, The Who, The Beatles. John et Paul m’ensorcelaient avec A Hard day’s night. Jimi Hendrix, Joe Cocker, Richie Havens m’entraînaient dans la magie de Woodstock. Peu importe if I can’t get no satisfaction. Pèlerinage ultime, je rêvais de répondre à l’invitation de Scott McKenzie :

 

If you’re going to San Francisco,
Be sure to wear some flowers in your hair,
You’re gonna meet some gentle people there. 

Depuis, je suis habité par la ferveur du Peace and love de ma jeunesse, aspiration éternelle à un monde d’amour.

Aujourd’hui encore, pour débarbouiller de couleurs l’affligeante grisaille de la réalité, je puise avec mes pinceaux dans la palette arc en ciel de l’utopie hippie, pour peindre un monde où les hommes accèdent au bonheur évanoui des sweet sixties.


mercredi 21 juillet 2021

Tant que je peux te dire je t'aime

Passionnant, émouvant, surréel !

En souffrance à l’autre bout du monde, un homme est désemparé de voir la vie libérer soudain d’insaisissables fantômes, déterrer de mystérieux cadavres, révéler de sinistres spectres dont il ignorait l’existence. Dans sa peine, il s’évertue à trouver le moyen de sauver son couple à son retour au pays. 

Écrasé par son destin, hippie invétéré, il part en quête d’amour de bras en bras, allant de Casablanca à Kuala Lumpur, Moscou, Paris, Nairobi, Venise, Marrakech, Ouarzazate. 

Pour trouver le repos, il confie à des mots sa peine, ses amours éphémères, son errance sans fin. Et pendant que les phrases s’alignent, que les chapitres s’enchaînent, que les personnages s’animent dans un roman de la vie, il s’aventure dans la quatrième dimension d’un monde surréel de rêves, de visions et de fantasmagories, et trouve l’être auquel il peut enfin dire je t’aime, écrivant avec lui à quatre mains le dernier chapitre d’un roman d’une vie transcendée par l’amour, livrant l’histoire de la main d’un être éprouvé dans son âme tendue à un être aimé marqué dans sa chair.


Rida Lamrini

Natif de Marrakech, ingénieur, juriste, manager, Rida Lamrini a occupé divers postes de responsabilités, dont Conseiller économique près l’Ambassade du Maroc au Canada. De retour au pays en 1991, il se dédie à la cause des démunis et préside la Fédération du Microcrédit. Sous sa présidence, le Maroc a été primé par l’ONU en 2005, Année Internationale du Microcrédit.

Expert de la Banque Mondiale, il est expert en croissance verte et promotion des métiers verts pour le compte du Plan d'Action pour la Méditerranée.

Membre du Conseil Consultatif des Droits de l’Homme, expert de la Banque Mondiale, il a géré des programmes de promotion de l’emploi et créé sa fondation dédiée aux jeunes porteurs de projets.

Rida Lamrini a publié plusieurs romans et essais.


-     Le Maroc de nos enfants, essai, 1998
-     Les Puissants de Casablanca, roman, 1999, porté à l’écran
-     Les Rapaces de Casablanca, roman, 2000
-     Le Temps des Impunis, roman, 2004,
-     Y a-t-il un avenir au Maroc, me demanda Yasmina, essai, 2006,
-     L’Université Marocaine, Autrement, essai,2007
-     Les Chevaliers de l’Infortune, essai, 2009
-     Le monde n’est pas facile à croquer dans une chronique, recueil, 2014

jeudi 18 février 2021

Samia, mon amour

Le soleil se couche, le ciel rougit. Rayan ouvre une cannette de soda, s’installe à la terrasse, regarde la campagne environnante. Dans sa vie, il lui semble marcher sur des sables mouvants, ne s’accrocher à rien de solide. Il n’encaisse pas d’avoir perdu Samia. Peut-il la récupérer ? Désorienté, il ouvre son PC, reprend le texte qu’il lui a écrit, qu’il n’arrive pas à envoyer :

Samia, mon amour, 
Je continue à t’appeler mon amour. Un mot que je semble ne pouvoir dire qu’à toi. Out of the Blue, tu es entrée dans ma vie, une femme de plus dans mon itinéraire solitaire, que j’oublierais dans des étreintes furtives, des rencontres éphémères. Erreur. Tu t’es installée dans ma vie. Tu m’as aimé pour ce que j’étais. J’ai pris goût à tes vertiges amoureux, ton univers de tendresse. Depuis, chaque jour je pense à toi, chaque nuit mes rêves vont vers toi. Après une semaine d’un amour fou, tu es retournée à ton Paris trépidant, nous promettant de nous revoir, ne plus nous quitter. 
Plus tard, alors que tu allais me rejoindre, le destin t’en avait empêché. Et lorsque j’allais m’envoler vers toi, mes soucis s’accumulèrent, mes peurs m’embrouillèrent. Je n’avais pas su exprimer mon désarroi. Devant mon téléphone, je suis resté figé dans ton souvenir. N’aurais-tu été qu’un fantôme ?
Pour sauvegarder notre amour, il nous fallait surmonter l’éloignement, vaincre l’adversité. Devant mes hésitations et l’acharnement du destin, tu as fini par renoncer à notre amour. 
Pour apaiser ma peine, j’écris. Chaque jour, je compose un texte que je veux le plus beau qu’un homme n’ait écrit à une femme. Hélas, les mots dénaturent mes sentiments. Les phrases trahissent mes émotions. Chaque jour, le texte reste dans les limbes de mes pensées. Dans ma solitude, je continue de t’aimer. L’intonation de ta voix est toujours au fond de moi ! 
Loin de toi, j’erre de bras en bras, d’étreinte en étreinte. Je te cherche dans l’immensité d’un désert sentimental. Où es-tu ? Que fais-tu ? Que deviens-tu ? M’aurais-tu remisé dans les oubliettes de ta mémoire ? 
Alors, j’attends un signe du destin, un signe de toi. Notre amour n’est pas mort. Un jour tu émergeras des brumes du souvenir pour revêtir la parure de la réalité. Ce jour-là, je te retrouverai, tu me reviendras, mon errance se terminera.

Rayan referme son PC, insatisfait de ses phrases, incertain de ses mots, perplexe devant un texte jamais parvenu à son destinataire. 

La nuit est tombée. Le ciel est constellé d’étoiles. Le visage d’ange de son benjamin réapparaît. Un pressentiment le tourmente. Le bonheur continuera à le fuir. Il finira seul, ne mourra pas entouré. 

Il entend un bip. Son fils Salim a envoyé un SMS : 

Dad ! C’est terrible ! Des morts partout à Paris ! Mes amis sont en train de mourir !


Extrait du roman "Tant que je peux te dire je t'aime"
Jeudi 18 février 2021

Image d'après un tableau de Fouzia Jaidi