mercredi 17 avril 2013

Illisibles incertitudes


Un ministre se fait attraper la main dans le sac. Il possède des comptes dans des paradis fiscaux. Alors qu’il a toujours nié les faits publiquement. Pire, il est ministre du budget et, à ce titre, a la charge de lutter contre la fraude fiscale ! Émoi national. Le fossé se creuse davantage entre le peuple et ses élus. Appel à la moralisation de politique. Les exemples de pays vertueux sont cités. Pendant que les classes politiques véreuses d’autres pays regardent ailleurs, indifférentes qu’elles soient coupées de ceux dont elles gèrent les destinées.
Ils ont accompagné leur équipe de football dans la ville voisine pour la soutenir. Au lieu de cela, ils saccagèrent magasins, autobus, tramway. Ils agressèrent passants, touristes et personnes qui ont eu le tort de se trouver sur leur chemin. Les condamnations fusèrent, les colères explosèrent, les indignations se lâchèrent. On les traita de hooligans, de sauvages, de vandales. Quand on s’est indigné, révolté, et scandalisé, on tombait court d’expliquer le comportement de jeunes subitement atteints de folie. Car, leurs actes portent un message. La société parviendra-t-elle à y répondre, outre la nécessaire application des lois, sous peine de voir ces éruptions se reproduire, encore et encore, sous des formes plus ou moins contrôlables ? Et si, qu’à Dieu ne plaise, les centaines de milliers qui, aujourd’hui confrontés à un avenir sans horizons, se décidaient un jour à sortir de leur silence ! Les politiques, en majorité soucieux de s’accrocher à leurs sièges, réalisent-ils que le socle social est miné ? Qu’il n’y aura plus de sièges à préserver, faute de réformes attendues par une société en souffrance ?
Tunis, Tripoli, le Caire. Fleurs éphémères d’un printemps prometteur, porteur en fait de remous automnaux. Les immenses espérances de dignité et de liberté soulevées chez des peuples assoiffés, le temps d’une saison, sont en train d’être enterrées dans le cimetière des chimères sans lendemain. La rive sud et est méditerranéenne serait-elle frappée encore d’une étrange malédiction ?
La Syrie. Dernière contrée à entrer dans un réveil brutal. L’une des civilisations et l’un des peuples les plus anciens de l’antiquité (les Amorrites). En 1975, les archéologues découvraient les vestiges d’un grand empire sémite datant de 2500 à 2400 ans av. J.-C., qui s’étendait du nord de la mer Rouge jusqu'en Mésopotamie. Fondée au IIIe millénaire av. J.-C., Damas, ville mythique, devint la capitale de l’Empire omeyyade, avec un prestige et une puissance inégalés dans l’histoire syrienne. En 1260, elle devint la capitale de l’empire des Mamelouks. En 1400, elle fut détruite par Tamerlan. Reconstruite, elle servit de capitale jusqu’en 1516. En 1517, la ville et le pays tombèrent sous l’occupation ottomane jusqu'en 1918. La Syrie n’a pas eu une histoire de tout repos. Elle fut occupée successivement par les Cananéens, les Phéniciens, les Hébreux, les Araméens, les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Grecs, les Arméniens, les Romains, les Nabatéens, les Byzantins, les Arabes, les Croisés, les Ottomans et enfin les Français. Pour finir au vingtième siècle sous le joug d’une implacable dictature.
Baghdad, ville « Don de Dieu », à l’histoire aussi troublée que celle de sa consœur et rivale, n’en finit pas de manger son pain noir, dans un quotidien rythmé par les explosions terroristes, en lieu et place des vents de démocratie promis par le « libérateur » américain.
Pourquoi ce retour en arrière ? Il n’y a finalement rien de nouveau en 2013 à Bilad Cham et en Mésopotamie. Damas et Baghdad connaissent leurs énièmes spasmes de leurs histoires tourmentées.
Bruit de bottes dans la péninsule coréenne. Menace de frappe nucléaire du voisin du sud et de son allié yankee. Rhétorique incongrue d’un fossile des dictatures staliniennes. Indéchiffrable sans la grille de lecture de la guerre froide.
Et toujours ce que l’on s’évertue d’appeler crise économique mondiale, faute de pouvoir expliquer comment un monde nouveau s’efforce de sortir des limbes d’un univers qui n’en finit pas de mourir.
Boston. La fin du plus vieux marathon du monde tourne au drame. Deux explosions se sont produites près de la ligne d'arrivée. Bilan initial : au moins trois morts, dont un enfant de huit ans, plus d’une centaine de blessés, dont plusieurs critiques. Vision d’horreur en direct. Acte de terreur, qui rend le monde plus incertain, moins compréhensible.
Des systèmes politiques déconnectés. Des actes de destruction de fans de football, classés hooliganisme. Des printemps sans fleurs. Syrie et Irak qui poursuivent leurs descentes aux enfers. Des relents de guerre froide au bout du monde. Une situation économique internationale inextricable. Le marathon de Boston endeuillé. Des événements, apparemment sans liens entre eux, mais que j’essaie de déchiffrer dans un même schéma de lecture, afin de répondre à l’insatiable besoin de comprendre un monde de moins en moins lisible.
Ou serait-ce juste un insondable entêtement à mener une entreprise intellectuelle illusoire ?


Rida Lamrini - 17 avril 2013