Lorsque le monde semble déréglé, les nouvelles insupportables, les événements indéchiffrables.
Lorsque les grilles de lecture deviennent inopérantes, les repères inutiles, les paradigmes vains.
Lorsque l’histoire ne parvient plus à expliquer le présent, la géopolitique à démêler les phénomènes, la science politique à éclairer les événements.
Alors, le temps est venu de faire le vide en soi, autour de soi.
Lorsque les villes enflent de bruits incompréhensibles, les rues de rumeurs insaisissables, les cafés de commentaires insondables.
Lorsque les journaux rapportent des informations illisibles, les chaumières bruissent de rumeurs inintelligibles, le cyberespace charrie des échanges inaccessibles.
Lorsque l’explosion sociale devient l’unique moyen d’expression, la violence la seule forme de communication, la brutalité l’argument privilégié d’intervention.
Alors, le temps est venu de se retirer dans le royaume du calme et de la sérénité.
Lorsque les habitants de la capitale pensent être le centre du monde, que l’univers leur semble tourner autour d’eux-mêmes, que l’horizon épouse les limites de leur cité.
Lorsque les politiques n’ont d’interlocuteurs que leurs égos, les gouvernants ne reçoivent que leur propre écho, les partis jouent leur partition en solo.
Lorsque l’univers de l’élite ne dépasse guère les remparts de la capitale, les intellectuels ne reçoivent de reflets que ceux renvoyés par le miroir de Narcisse, les leaders d’opinion n’ont de feed-back que de leurs adulateurs.
Alors, le temps est venu de se régénérer aux sources du terroir.
Lorsque la frénésie s’empare de la vie, le stress devient mode de vie, la vitesse régule les rapports entre proches, professionnels et amis.
Lorsque le dieu argent finit par imposer sa religion, le matériel devient unique source d’inspiration, l’accumulation de biens constitue le but ultime.
Lorsque l’aspect prend le pas sur le fond, le paraître sur l’être, le virtuel sur le réel.
Alors, il est temps de se retrouver avec soi-même, de mettre une distance entre soi et un monde pris de frénésie, de s’extraire du tumulte ambiant et se fondre dans le silence cristallin.
Il est temps d’échapper à la logomachie des politiques, à l’emprise des faiseurs d’opinion, aux logorrhées des leaders d’opinion, aux écrits des croqueurs d’opinions, au harcèlement des concepteurs de pétitions.
Il est temps de laisser derrière soi le tapage assourdissant des métropoles, abandonner le tohu-bohu des capitales, fuir le nombrilisme des bulles urbaines.
Il est temps de prendre le chemin des grandes étendues, s’évader vers les espaces des hommes libres, retourner à mère nature, vivre avec les créatures indomptées, afin que l’âme se ressource, et que l’être se régénère.
Il est temps de retourner vivre là où le ciel est l’unique horizon, où nul obstacle n’obstrue la portée du regard, nul bruit ne perturbe la perception de l’ouïe, nul bourdonnement ne brouille la réflexion de l’esprit.
Alors, loin de la vaine agitation humaine, du tintamarre tonitruant des cités, du nombrilisme atavique des urbains…
À l’abri des hauts lieux de la civilisation, entre le grésillement du grillon, les caresses du vent, et le chant des oiseaux…
L’on retrouve la dimension réelle des choses, le poids tangible des actes, la juste valeur des faits, le sens effectif de la vie.
Au bout de cette quête solitaire vers une sagesse élusive, on se retrouve… peut-être… enfin.
Rida Lamrini - 28 août 2013