La disparition d’un être n’est pas un fait anodin. Tombée
comme la foudre, celle de Madame Zoulikha Nasri l’est encore moins, tant elle a
empli discrètement le quotidien de milliers de ses concitoyens.
Que dire dans ces conditions, sinon que nous sommes
à Dieu et à Lui nous retournons.
Que dire sinon que témoigner ici-bas, en espérant que
notre témoignage sera retenu là-haut.
Et les souvenirs affluent. Précis. Émouvants. Des
souvenirs de tranches de vie simples, mais qui montrent la grandeur d’âme de ce
petit bout de femme.
Comme lorsque ce jour où, elle vous invite à
partager sa réflexion sur un projet parmi les nombreux projets sociaux qu’elle
monte infatigablement chaque année pour les jeunes, les femmes, les handicapés,
les micro-entrepreneurs, les associations, les coopératives… bref pour les
démunis parmi notre population.
Et tout étonné d’avoir été convié à cet exercice de
haut niveau, réservé plus aux hauts personnages du pays qu’à des individus
lambda, vous rejoignez le lieu de la réunion, mi-ému, mi-impressionné. Gagné
par le trac, vous pénétrez dans son bureau, ne sachant pas comment la saluer.
C’est la Conseillère du Roi !
Et au moment vous franchissez le pas de porte, et
que vous êtes sur le point de trébucher à la vue de ces grands pontes qui
l’entourent, la voilà qui se lève du fond du bureau, toute menue et ô combien
impressionnante et, vous appelant par votre petit nom, vous accueille avec un
sourire avenant qui illumine son visage. Puis, elle vous tend la main et vous
invite à vous assoir près d’elle, au milieu des personnalités impressionnantes
qui l’entourent, comme si vous aviez toujours fait partie de son aéropage. Rien
moins que cela !
Et lorsque les choses sérieuses débutent, et que la
discussion est ouverte sur ce nouveau projet pour les jeunes entrepreneurs qui
lui tient à l’évidence tant à cœur, elle s’adresse à vous comme à une vielle
connaissance, et vous demande de l’éclairer avec votre expérience. Comme si
vous étiez cet expert rare dont l’input va fondamentalement impacter le projet
qu’elle a pris soin de concevoir et de configurer avec d’éminents experts du
pays. Étrange et enivrante impression, vous vous sentez valorisé comme vous ne
l’avez jamais été dans votre vie.
Péniblement, vous essayez de contrôler le trac qui
s’est emparé de vos sens, d’oublier l’imposante assistance. Prudemment, vous
vous lancez dans vos propositions, tout en observant dans son regard si vos
paroles suscitent chez elle un lointain et improbable intérêt. Arrivé au bout
de vos propos, et après le point final de votre digression, vous jetez un
regard furtif sur l’assistance, levez les yeux sur elle et, le cœur battant,
attendez le verdict, sûr que vous avez raté l’occasion de votre vie pour
briller, pour apporter une valeur ajoutée, ou tout juste pour être à la hauteur
de son invitation à partager sa réflexion. Les quelques secondes qui s’écoulent
avant sa réaction vous semblent une éternité.
Finalement, la Grande Dame vous délivre avec moult
remerciements de vous être donné la peine d’avoir répondu à son invitation,
vous dit qu’elle vous a écouté attentivement, vous affirme tout l’intérêt
qu’elle a eu à vous écouter, et vous assure qu’elle a pris bonne note de vos
propositions et vos recommandations. Le timbre de sa voix, son regard appuyé,
la chaleur de ses propos ne laissent aucun doute sur sa sincérité. Des propos qui
mettent du baume sur votre cœur, qu’elle prononce également à l’égard de tous
les participants, faisant sentir à tout un chacun combien elle a apprécié sa
contribution.
Sitôt la réunion terminée, elle est la première à se
diriger vers la sortie. Non pas pour quitter la salle, mais pour prendre congé
de ses visiteurs, un par un, avec pour chacun un mot gentil qui illuminera le
reste de sa journée.
Comment oublier ce petit bout de femme qui,
infatigable telle une fourmi, mais remuant des montagnes comme un éléphant, nous
a marqués par la simplicité de sa personne, la richesse de son œuvre, la
profondeur de son abnégation pour son pays et pour son Roi.
Zoulikha Nasri, tu as été dans nos cœurs, tu
resteras dans nos mémoires, tu fais partie de notre histoire. Tu as été une
Grande Dame, NOTRE Grande Dame.
Rida Lamrini - 16 décembre 2015