La ville est endormie. La nuit est claire. Le scintillement des étoiles peine à rivaliser avec les rayons de la lune pleine qui occupe le haut de la voûte céleste. Appuyé sur le rebord de ma fenêtre, je me suis évadé dans l’infini de l’univers, fasciné par la beauté nocturne du ciel.
Je suis taraudé par l’idée que nous ne sommes pas seuls dans ce monde. Bien plus, nous sommes observés. Que dis-je, nos actes sont analysés, nos mouvements disséqués, nos habitues étudiées. La désagréable sensation d’être nus. Fermez les portes, barricadez-vous dans vos chambres, cachez vos têtes sous l’oreiller, rien n’y fera. On sait tout sur nous. Comme si les murs et les toits étaient en verre.
Ce sentiment ne me quitte plus depuis le soir où une lumière verte avait irisé l’écran de mon ordinateur, un halo avait illuminé ma chambre, le tout accompagné d’un bourdonnement. Il était rentré dans mon intimité, pris contrôle de ma machine, et engagé une discussion avec moi, comme si moi j’avais décroché le téléphone pour parler à un ami à l’autre bout du monde. D’où m’avait-il appelé ? Par quel moyen ? Quelle est cette prouesse technologique qui a permis à cet extra-terrestre de converser avec moi depuis le fin fond de l’univers ? Je n’en reviens toujours pas. Depuis, je passe des heures à regarder mon ordinateur, espérant revoir ses messages dans la réverbération verte de l’écran. Las de ne recevoir aucun signe de mon correspondant galactique, je passe le temps à regarder les étoiles depuis ma fenêtre, essayant de localiser mon interlocuteur d’un soir.
Il m’avait dit que notre planète était est l’une des plus belles de l’univers, riche, généreuse, fascinante. Il m’avait conforté dans ce que je pensais. Que ce soient ses montagnes, ses plaines, ses océans, ou même ses déserts arides, la terre n’est que beauté dont on ne se lasse guère. Tous ses paysages sont remarquables, aussi attrayants les uns que les autres. Il n’est que naturel que chacun se targue, légitimement, d’avoir un beau pays. Mais, plus que les merveilles des panoramas renvoyés au regard, notre boule terrestre est fascinante par les relations d’équilibre tissées au fil du temps par ses hôtes. Dans leur vie, ou par leur mort, qu’ils soient des végétaux ou des animaux, des insectes ou des composants chimiques, ses habitants évoluent dans un écosystème qui obéit à la règle de préservation des ressources et des espèces.
Il en fut ainsi… jusqu’à l’apparition de l’homme.
Mon extra-terrestre l’a qualifiée d’accident. L’homme est à l’origine de ruptures et de perturbations des équilibres patiemment instaurés par la nature depuis les origines de la vie. Et si la mort est inscrite dans les gènes des créatures, leur extinction est due aux activités de l’homme. Que d’espèces sont aujourd’hui menacées de disparition de son fait ! Il est le seul être vivant qui consomme sans limites, exploite sans mesure, menant dans sa boulimie la planète qui le nourrit vers l’anéantissement. Il ne sait comment vivre dans l’équilibre aussi bien avec ses congénères qu’avec son environnement. Il est mû par une insatiable appétence de conquérir des espaces, des biens, des autres, des titres.
Selon mon extra-terrestre, nous serions une espèce douée, talentueuse, capable de grandes prouesses. Mais nous manquons d’intelligence, parce qu’une infime minorité jouit de la majeure partie des richesses produites, laissant une grande majorité se débattre avec la satisfaction des besoins essentiels, preuve de l’inanité de nos systèmes politiques censés œuvrer pour le bien-être de tous.
Mais alors, c’est désespérant ! Notre destin serait-il inscrit dans nos gènes ? L’homme serait-il condamné à vivre en rupture avec les équilibres naturels de la terre ? Je ne peux le croire. Mon extra-terrestre ne m’a pas laissé discuter, argumenter. Il m’a assené ses vérités, puis coupé le contact.
Il doit m’entendre, écouter mon questionnement, me livrer le reste de ses observations. Et si, comme il m’a dit, l’état de leur science est très avancé là-haut, ils doivent savoir que de tout temps l’avenir de l’humanité sur terre a toujours dépendu de l’engagement d’une poignée d’individus intelligents, car il en existe, que ne préoccupe que la vie de l’espèce en paix avec elle-même et en harmonie avec les autres créatures.
Extra-terrestre ! M’entends-tu ?
Rida Lamrini - 03 avril 2013