– Tu m’as l’air soucieux, dit mon épouse en me voyant franchir la porte.
– Bof, une discussion rasante entre amis, répondis-je, essayant de cacher mes états d’âme.
Rangeant momentanément son livre, elle m’invite du regard à poursuivre.
– Figure-toi, un député, un haut fonctionnaire, un ancien ministre, un responsable politique et un homme d’affaires. Nous avons discuté des heures et des heures.
– À propos de quoi ?
– La Caisse de compensation. Elle est censée préserver le pouvoir d’achat et stabiliser les prix des produits de base. En fait, le pouvoir d’achat ne cesse de se dégrader, et le pays n’arrête pas de s’endetter. On va vers la catastrophe. Et c’est le contribuable qui payera la facture.
– Vous êtes arrivés à quelle conclusion ? demande-t-elle.
– À rien, répondis-je.
– À rien ? Toi, le député, le ministre, le fonctionnaire, le politique et l’homme d’affaires ?
– C’est complexe, tu sais, justifié-je, devinant chez elle un début de discrète dérision.
– À moins que ça ne soit plus simple qu’on ne le pense… laisse-t-elle tomber, un brin sarcastique.
Son ton m’intrigue.
– Écoute, mes amis en savent un bout sur la question, lancé-je. Ils sont confrontés à ses intrications au quotidien. Pourtant, ils n’ont pas le début de l’embryon de l’ébauche d’une solution.
– Pourtant, il y en a une.
Je la regarde, de plus en plus interloqué. À quoi songe-t-elle ? Elle ferme son livre et dit :
– Si je ne m’abuse, on parle bien du sucre, des céréales, de l’huile, de des carburants, n’est-ce pas ?
– Oui… balbutié-je.
– Alors, c’est simple. Changeons nos habitudes culinaires ! Mangeons plus sain !
– Ah bon ? Et comment ? demandé-je, ironique à mon tour.
– Pour le sucre, au lieu de deux morceaux dans le thé, mettons en un. Pareil pour le café. Allons-y mollo pour les pâtisseries. Nous réduirons ainsi notre consommation de moitié. L’État aura moitié moins à importer. Ça soulagera la balance commerciale. S’il faut soutenir les prix, l’effort sera réduit de moitié. Les gens seront en meilleure santé. Moins de diabètes, moins de cancers, moins de dépenses pour leur santé. En outre, le budget de la santé publique baissera.
Je regarde mon épouse, incrédule. Me voyant silencieux, elle poursuit :
– Pour les céréales, mangeons plus de légumes et de fruits. Mêmes avantages là encore. Moins d’importations. Une balance commerciale soulagée. L’effort de soutien des prix sera réduit. La demande de fruits et légumes augmentera. Ça encouragera la production locale, et générera plus de revenus et d’emplois pour les agriculteurs. Idem pour les huiles, avec en prime moins de cholestérol chez les gens.
Je cesse de prendre les propos de mon épouse à la légère. J’écoute avec intérêt.
– Pour les carburants et le butane, mettons le paquet sur les énergies renouvelables, notamment le solaire. Encourageons les transports publics et surtout… utilisons des vélos au lieu des voitures et ces monstrueux 4x4. Moins d’importations, des finances publiques moins sollicitées, moins de pollution, et des gens en meilleure santé. Normal, ils feront de l’exercice !
Je reste médusé devant le raisonnement. Je songe à notre personnel politique pléthorique, coûteux… et stérile. Du coup, je pense aux économies que nous ferions si nous nous passions de son service !
Je repars, pensif. Dans mon for intérieur, je suis gré à mon épouse de ne pas avoir remué le couteau dans la plaie en évoquant le caractère masculin de ce personnel.
Rida Lamrini - 20 février 2013