En 2017, Hicham Lamrini terminait sa 3ème année de doctorat à l’Institut des maladies génétiques (Imagine) à l’hôpital Necker Enfants Malades.
Son travail a porté sur l’identification des gènes responsables de déficiences immunitaires héréditaires, permettant par la même occasion de comprendre le rôle de ces gènes en situation normale, et aux médecins une meilleure compréhension de la maladie rare de leur patient.
L'interview :
Son travail a porté sur l’identification des gènes responsables de déficiences immunitaires héréditaires, permettant par la même occasion de comprendre le rôle de ces gènes en situation normale, et aux médecins une meilleure compréhension de la maladie rare de leur patient.
L'interview :
Dans mon laboratoire de recherche, nous recevons les prélèvements des enfants qui souffrent de maladies orphelines. Nous essayons de comprendre les causes génétiques de ces maladies rares afin d’aider les médecins au rez-de-chaussée à prescrire le bon remède.
Par ailleurs nous menons des travaux de recherche fondamentale. Ma recherche consiste en l’identification et la caractérisation des gènes mutés responsables des déficits immunitaires héréditaires
Un petit rappel. Un gène c’est le support de l’information génétique sous forme de code qui aboutit à la synthèse d’une protéine, la protéine étant cette macromolécule biologique qui participera au fonctionnement d’une cellule. Par exemple, une protéine pourrait être importante pour la structure ou à l’aspect d’une cellule qui pourrait être une enzyme nécessaire pour le métabolisme ou l’homéostasie cellulaire. Faut bien qu’une cellule mange, se débarrasse de ses déchets, se multiplie, etc…
Une protéine peut être aussi dans la signalisation cellulaire. Eh oui, les cellules se parlent entre elles, de façon très complexe, mais elles s’entendent bien entre elles fort heureusement. Ainsi, la cellule saura si elle doit se spécialiser, proliférer, bouger, appeler à l’aide. Une mutation délétère affectant la fonction d’une protéine pourrait avoir de lourdes conséquences au niveau de la cellule, éventuellement au niveau du système immunitaire. Quant au déficit immunitaire auquel on s’intéresse chez les patients, ce sont des troubles de la production d’anticorps. Une des manifestations cliniques principales est une chronique infection des voies respiratoires principales, en général plus sensibles aux infections.
Le départ de ma recherche est de me baser sur le détail des descriptions cliniques et de l’arbre généalogique du patient. De là on estime si c’est potentiellement une maladie génétique. Plus les séquences sont sans génome entier, plus on regarde dans ce que nous appelons l’exome, c'est-à-dire la partie codante des protéines, s’il y a un gène suspect. On trouve beaucoup de mutations qui n’affectent pas les protéines. Une fois qu’on a un gène suspect, les expériences de laboratoire consistent à exprimer cette mutation dans un système ectopique, c'est-à-dire de faire exprimer la mutation dans des cellules saines et voir si ces dernières deviennent, à leur tour, dysfonctionnelles. On fait des analyses au niveau moléculaire, cellulaire, physiologique, un peu comme pour savoir quelle pièce ne marche pas dans une machine, on prend la pièce qu’on incrimine, on la met dans une machine qu’on sait qui marche, et on voit si la machine ne marche plus. Facile à penser, le faire est une autre histoire.
Durant mes deux premières années de thèse, j’ai étudié et exploré au moins cinq gènes différents portant des mutations que nous avons incriminées d’être responsables des maladies de nos patients. Certains étaient malheureusement des faux positifs, le cauchemar de tout scientifique. Nous avons dû les innocenter, leurs études étaient tout de même passionnantes. Ainsi, il y avait un gène très conservé durant l’évolution primordiale pour la maintenance, l’intégrité et le dynamisme de la molécule ADN. Il y avait aussi ce gène qui était important pour l’expression des gènes, ce qu’on appelle la transcription. Il y avait un gène qui était un pivot central dans la voie de la signalisation cellulaire, langage complexe qui régit la vie et la mort de la cellule et des cellules avoisinantes. Il y avait un autre gène qui était important dans la réponse inflammatoire. Donc une petite victoire a été de détecter une mutation dans une population anormalement élevée de globules blancs d’un patient. Nous n’avons pas pu corréler l’application directe de la mutation avec la surreprésentation de la population de cellules. Mais nous avons pu avertir le médecin traitant de monitorer un éventuel danger.
Maintenant, je suis depuis quelques mois sur une piste très prometteuse. Une famille porte une mutation dans un gène important pour la mort programmée d’une cellule. Eh oui, les cellules se font hara-kiri dans le fonctionnement normal physiologique de l’organisme. Ce gène pourrait être responsable du déficit immunitaire de cette famille. Ainsi nous contribuons à l’enrichissement scientifique fondamental en comprenant le rôle et le fonctionnement d’un gène. En contrepartie ceci permet une meilleure compréhension médicale des maladies génétiques afin de diagnostiquer et de prendre en charge les patients plus rapidement et plus efficacement. C’est un travail pour l’avenir. On ajoute une petite brique dans le monde infini des connaissances scientifiques. Ça rassure de savoir comment ça marche. Et son impact dans les années à venir deviendra un véritable espoir de guérison pour les petits patients.
Alors n’est-elle pas belle la recherche ?
Hicham Lamrini