Elle a hésité longtemps avant de se décider à monter
cet escalier qui semble sans fin. Il l’a saisie par la taille et l’entraîne avec
lui. Elle ne se rappelle pas s’être aventurée ainsi avec un homme auparavant.
Peut-être parce qu’aucun autre avant lui ne lui avait donné envie de le suivre,
de s’abandonner au point de l’accompagner chez lui. A-t-il su comment lui
parler ? A-t-elle été séduite par ses avances ? Serait-il l’homme
qu’elle cherche ? Elle n’en sait rien, ne se rappelle pas où ils se sont rencontrés,
ni quand. Dans la pénombre de l’escalier, elle ne voit pas son visage, ne se souvient
plus de ses traits. Tout juste sait-elle qu’il lui plaît, qu’elle veut se
donner à lui.
La longue montée ne semble pas
près de se terminer. Tout est devenu sombre. Elle s’enfonce peu à peu dans un
univers noir. Elle finit par ouvrir les yeux. La chambre est légèrement
éclairée. Elle est étendue dans son lit, serrée contre lui. Comment a-t-elle
fini dans cette situation ? Elle ne cherche pas à comprendre. Elle attendait
depuis longtemps d’être dans les bras d’un homme. Pas n’importe quel homme. Son
homme. Celui qui lui a redonné le goût d’avoir envie. Elle est heureuse d’être
avec cet homme.
Ses mains enflamment son corps. Ses caresses insufflent
la vie dans ses artères. Ses étreintes, vagues puissantes, l’emportent dans les
remous d’une enivrante sensualité. Ses baisers la brûlent et font fondre ses
dernières résistances. Tendres et ardents, ils font suinter l’amour de chacune
de ses pores. Ses sens sont portés à incandescence. Elle ne se maîtrise plus,
ne veut plus rien contrôler. Elle est haletante. Elle s’est offerte. Elle est à
lui. Elle l’attend. Rien n’existe plus. Rien n’a d’importance. Elle est une
offrande sur l’autel de l’amour. Elle est entre les mains de Chedsounéfertoum, grand
prêtre de Ptah, accomplissant le rite sacré du temple de l’antique Memphis d’Égypte.
Elle est prête pour le sacrifice final.
Une onde irradie de son tréfonds, affleure sous sa
peau, déferle dans ses veines, se propage le long de ses membres, s’évanouit dans
les courbures de son corps. Son être s’élève dans les volutes éthérées de
l’amour, frappe aux portes de l’empyrée, se fond dans l’élément igné de la
sphère céleste.
Brûlée, consumée, heureuse, elle redescend lentement vers
l’ennuyeuse banalité du monde terrestre, lorsque… un corps se glisse dans son
lit, se pelotonne dans son dos et se blottit contre elle. Elle reconnaît les
mains de sa fille, se retourne et la serre contre elle. Elle jette un coup
d’œil à son téléphone portable, il est six heures du matin.
Rida Lamrini
Extrait de "Tant que je peux te dire... je t'aime"
Bouznika 9 avril 2019