mercredi 25 septembre 2013

Anfa, blanche sur fond bleu… vue d’ailleurs


Elle est arrivée un 6 septembre 2013. Elle a survolé la Méditerranée, pressée de voir ses amis dans la mythique ville blanche, pétillante, avide de tout voir, tout connaître.
Elle est repartie, quelques jours plus tard, les yeux pleins de couleurs et sons qui se mélangent pour une mosaïque inédite.
De Derb Talian, découvert dans des romans, elle a gardé ces souvenirs :
Toi – dans la fange et la lumière
Chaque partie de toi… happé dans le brasier de mots si secs
            que ta parole en devient rauque
Rampent les ombres - Pleuvent les clartés
On marche sur des gravats sans couleur
Prisonniers
Prisonniers de cette esquisse de paradis
À chaque angle, un conditionnel
Le passé n’a pas pris sa part
Peut-être faut-il déchiffrer ici ce qui n’est pas encore advenu ?

De ton front obscur jaillissent des labyrinthes pourpres
Depuis si longtemps l’herbe saigne
Quand le ciel recoud les trottoirs défoncés

Toi, Anfa, à jamais inachevée.

Anfa. Ville qui ne cesse de nourrir tant de fantasmes. Elle s’en souvient en ces vers, extraits de son poème que lui a inspiré la ville blottie dans les bras de l’Atlantique :

Casablanca, la ville aux hibiscus.
Quelque chose de joyeux flotte dans l’air.

En même temps que moi, européenne, les trouve un peu démonstratifs, je m’émerveille de les voir si prompts à la fête.
On tape des mains, on chante, on danse. Pour un rien on manifeste son plaisir – ou sa joie.

Il y a les clacksons – la main tendue – le rire à portée de main.
Et des trous dans les trottoirs….
Pas dans les cœurs.

Savouré les repas. Les tajines et le couscous. Au petit déjeuner les crêpes trempées dans le miel et beurre fondus.
Merci…encore… Naïma !
Magie de la cuisine marocaine. Un peuple qui cuisine ainsi ne peut être que princier.

 Dès le matin, des hommes avec leur petit chariot. Ils appellent, crient.
Ce matin, un homme avec sa charrette pleine d’œufs.

Mangé une figue de barbarie – présentée sur le plateau de sa propre peau.

Vu…
Oublié sur un escalier un petit plateau avec verre à thé et théière.
Sur le trottoir un homme assis sur une chaise en velours rouge. Seul.
Plus loin, un homme accroupi sur des marches d’escalier. Le menton dans ses mains, il se tient 
la tête. Seul aussi. Le temps et les regards leur passe dessus sans que cela altère leur attitude. Beaucoup d’enfants seuls. Assis. Debout. Appuyés au mur.
Partout des téléphones. Chacun téléphone. Tout le monde téléphone. À croire que le ciel de Casablanca est constellé de voix et de paroles
qui n’en finissent pas de se croiser.

Le silence n’est pas à chercher ici. Des voix – des engins – des clacksons. Mobylettes. Motos. Cacophonie triomphante.
Ici, les marocains trainent les pieds et ont des ailes à la langue.
On ne sait jamais si on avance dans Casa ou si c’est le flot des voitures et des palmiers qui va nous recouvrir

Oui, ville de contrastes.
Une patience religieuse et un flot superficiel de colères vociférantes, d’apostrophes.
Flux et reflux.
Calme plat et bourrasques.
L’appel des mendiants – celui du muezzin.

Des sacs poubelles et une asepsie en cuisine. Douches et hammam dans chaque quartier.

Du rire à tous les étages. Un rire qui dilue la tristesse ?

La médina.
Des tissus, des broderies, des boutons, des galons.
Des épices aux couleurs somptueuses. Rouges profonds – jaune safran et vert.
Des kilomètres de marchands dans les rues. Marchands et marchandises.

Les yeux ne sont pas assez grands pour tout voir. L’odorat pas assez profond pour tout respirer. Pas assez de mains pour caresser. Et le désir renouvelé à chaque pas.
Une mosaïque humaine.
Une féérie. Les mille et une nuits dans une seule matinée.

Et ces petits boutons en fil à broder…. On ne sait pas lesquels choisir… on les voudrait tous. Le soleil, les sons, les odeurs et le cœur qui palpite… On ne sait plus qui on est.

De toute la ville de Casablanca je n’aurais peut-être vu qu’un grain de sable. Il me suffit. Je sais que le Maroc est un pays vibrant de tous ses grains. Mes amis, j’ai été heureuse avec vous et
votre famille agrandie.
Avec vous, le partage n’est pas un vain mot.

Casablanca en bord de mer – ou qui lui tourne le dos ? Pas vu l’ombre d’une mouette.

Casablanca, un rêve pas tout à fait fini…

L’auteur de cette ode est Jeanne Bastide.
Une femme attachante, d’une grande sensibilité, le cœur au creux de la main, pleine de vie.
Les mots sont ses compagnons, la poésie son expression de vie.
Elle est écrivaine.
J’ai la chance de l’avoir comme amie.

Rida Lamrini - 25 septembre 2013