dimanche 2 décembre 2012

Un jour...


Un jour, après avoir été choyé par la vie, vous levez les yeux vers le firmament et découvrez qu’il a été débarbouillé de gris. Après les évasions dans l’éther azuré, vous réalisez que la voûte céleste s’est obscurcie. Après les baignades dans la lumière du jour, vous vous enfoncez dans les ténèbres de la nuit.
Un jour, l’être cher que vous avez l’habitude de serrer contre vous s’évanouit de votre vue. Les enfants qui ont éclairé votre foyer s’envolent de votre vie. Les proches qui partageaient vos joies et vos peines désertent votre existence.
Un jour, après vous être grisé des calices d’une vie souriante, vous vous réveillez avec une pesante lassitude. Après avoir mordu à plein dents dans une vie trépidante, vous sombrez dans une triste platitude. Après avoir bu goulûment les coupes enivrantes, vous réapprenez à vivre avec une épuisante inquiétude.
Un jour, après avoir vogué sur les mers du monde, vous voulez vous retirer dans une île inconnue. Après voir volé dans les cieux de l’univers, vous préférez emprunter les chemins de traverse. Après avoir voyagé dans les contrées de la terre, vous aspirez à vous reposer dans le silence du désert.
Un jour, après avoir poursuivi vos rêves fous, vous vous figez devant l’affligeante réalité. Après avoir couru après le lustre de la gloire, vous vous accommodez de l’anonyme opacité. Après vous être élevé vers les horizons lumineux, vous rechutez dans les noirceurs de l’obscurité.
Un jour, après avoir goûté au bonheur, vous le voyez filer entre vos doigts. Après avoir connu la félicité, vous êtes ramené à la grisaille. Après avoir plané dans l’euphorie, vous êtes confronté à l’adversité.  
Un jour, après avoir consolidé les piliers de votre vie, vous les voyez fondre irréversiblement. Après avoir sécurisé les sources de votre pitance, vous les voyez se tarir inexorablement. Après avoir sanctuarisé votre existence, vous la voyez se consumer irrémédiablement.
Un jour, après avoir érigé des édifices, vous doutez de leur finalité.  Après avoir construit des monuments, vous questionnez leur destinée. Après avoir élevé des bâtiments, vous vous interrogez sur leur utilité.
Un jour, après avoir tant vécu, vous finissez par douter de la vie.
Après avoir tant aimé, vous vous demandez si vous n’avez pas toujours été seul.
Après avoir tant perdu, vous êtes étonné de ce que vous avez gagné.
Après avoir tant donné, vous sondez l’ampleur de ce que vous avez reçu.
Après avoir tant conquis, vous évaluez le peu qui vous est resté.
Après avoir tant couru, vous comprenez que vous avez poursuivi des chimères.
Après avoir tant acquis, vous mesurez la futilité des biens que vous avez amassés.
Après avoir tant souffert, vous découvrez la force indestructible que vous êtes devenu.
Ce jour-là, peut-être, finirez-vous enfin par réaliser ce qui importe le plus dans votre vie. 

Rida Lamrini - 21 novembre 2012