mercredi 25 décembre 2019

M’as-tu vraiment aimé un jour ?

Ce soir, le ciel tonne. Un orage se prépare. C’est rare dans la région en fin d’été. Rayan se réfugie dans sa chambre, éteint la lumière, s’endort. Au cœur de la nuit, il est réveillé par les zébrures des éclairs qui déchirent les ténèbres, inondent brièvement la chambre d’une lumière aveuglante. Des grondements secouent la maison comme le feraient les spasmes d’un tremblement de terre. Les gouttes d’une pluie torrentielle crépitent sur les vitres comme le grésillement d’un fil électrique mal branché.
Il a perdu le sommeil. Comme entré dans une résonance avec lui, l’orage fait écho à la tristesse de son âme. L’eau tombe du ciel comme ses larmes coulent de ses yeux. L’atmosphère vibre sous l’effet des roulements du tonnerre, au rythme des battements de son cœur oppressé. L’orage sévit sur Cap de l’eau, comme la tourmente agite son être. Étrangement, la furie de la nature atténue son chagrin. En lui-même, il se parle, lui parle, parle à la femme qu’il ne verra plus jamais.

Je t’ai aimée comme je n’ai aimé nulle femme avant toi. Je t’ai aimée comme je ne pense aimer nulle autre après toi. Je me suis donné à toi. Je t’ai donné mon cœur, mon corps. Je t’ai offert mon âme, ma vie. J’ai aimé ta joie de vivre, ton rire, ton insouciance. Je t’ai aimée… parce tu m’as fait sentir que j’étais un homme. J’ai voulu garder ce sentiment à jamais, en te gardant près de moi. Tu en as voulu autrement.
Ce soir, le lit qui a abrité nos amours sert de litière à mes souffrances. Les questions s’entrechoquent dans ma tête. Es-tu consciente de ce que tu es devenue ? Ne regrettes-tu pas nos belles années ? Je ne suis pas l’homme idéal. Es-tu la femme parfaite ? Nous avons nos différends. C’est normal. Je ne peux pas les assumer seul et te servir d’exutoire.
Je garde mon chagrin en moi. Je porte ma croix la nuit, affiche ma dignité le jour. Je n’ose chercher le réconfort dans d’autres bras.
En partant, tu as pris avec toi le plus beau, le plus divin, le plus merveilleux des mots. Tu as pris avec toi "Je t’aime". Un mot magique que je ne pourrais plus dire.
Mais toi, m’as-tu vraiment aimé un jour ?

Extrait de "Tant que je peux te dire je t'aime"

Roman de Rida Lamrini
Bouznika, 06 février 2020

Coup de foudre

Une demi-heure plus tard, Rayan arrive au pied-à-terre de Naima. Dans ce lieu où il n’est que de passage, il se sent étreint par le vide et la solitude de l'endroit qui font écho à la fêlure qui a lézardé sa vie. Il entend un bip.
Dina : Café One love, à Mohammed Abdou, quartier Palmiers.
Est-ce le fait de voir cette dernière, ou de ne pas rester seul, mais il jubile à l’idée d’avoir échappé à ce qui allait être une morne soirée. Il arrive à One Love en avance. Des clients, disséminés ici et là, accentuent la sensation d’endroit désert. Il s’installe dans un coin où il a une vue panoramique sur la rue. Il la verra venir. En attendant, il se demande si Dina sera une aventure éphémère ou une future compagne de vie ? Saura-t-il la courtiser, ou agira-t-il tel un lycéen à sa première escapade ? Il cesse de s’interroger à la vue d’une silhouette gracile qui s’approche sous les lampadaires.
Elle s’assoit devant lui, gênée d’être observée. Sobre et élégante, elle porte un pantalon bleu nuit, un chemisier blanc gris sous un veston doux gris ouvert à motif chevron. Un foulard bleu céleste ponctue l’ensemble. Fasciné par son allure, rivé sur son visage, prisonnier de son regard, il est subjugué par son charme. Il s’évade sur ses joues carrées, se promène sur sa bouche plantureuse, revient à la douceur de ses yeux. Son tréfonds vibre à son sourire.
Sans qu’ils aient échangé un mot, ils sentent un courant les parcourir, comme s’ils voulaient jouir en silence de ce moment fugace. Leurs mains posées sur la table avancent insensiblement l’une vers l’autre, se touchent, se croisent, échangent une chaleur, cherchent un être à étreindre. Leurs yeux se parlent. Leurs cœurs battent à l’unisson.
Dina songe à ce qui lui arrive. Elle en a rêvé, l'a imaginé, l’a désiré, ne l'a jamais vécu. Ce soir elle le touche des mains. Elle est heureuse. Cela lui suffit. 
Rayan est ivre. Une femme autre que Amira occupe ses pensées. 
Ce soir, ils tutoient les étoiles. Vivent-ils un coup de foudre ?

Extrait de "Tant que je peux te dire je t'aime"
Roman de Rida Lamrini
Bouznika, 25 décembre 2019

samedi 21 décembre 2019

Réflexion de romancier

Derrière le côté chimérique de la fiction se cache toujours une part de vérité. Un roman est presque toujours autobiographique, puisque l'auteur raconte son histoire à travers le prisme de ses sentiments et de sa sensibilité.
Pour construire des personnages intéressants, l'auteur a besoin d'être en empathie avec eux. Il est tour à tour chacun de ses héros. Comme la lumière blanche qui traverse un prisme de verre, il se diffracte en chacun de ses personnages.
Tout compte fait, ce n'est pas ma conception du roman. Je ne vais pas imposer mes états d'âme à mes lecteurs. L'écriture n'est pas une thérapie.
L'écriture c'est d'abord un travail d'imagination. C'est vivre d'autres vies, créer des personnages, des univers, des mondes imaginaires.
C'est travailler sur les mots, polir une phrase, trouver un rythme, une respiration, une musique.
L'écriture n'est pas faite pour guérir. L'écriture ça fait mal, ça ronge, ça obsède.

Arthur Costello
Personnage de Guillaume Musso
L'instant présent

Bouznika, le 21 décembre 2019

jeudi 19 décembre 2019

Charme de femme

Le charme de Dina est souligné par une discrète élégance, émanant d’un raffinement naturel. Cet alliage consommé de la beauté et de la grâce n’impose cependant pas au regard, tant il découle de la coquetterie d’une femme qui a su transcender sa fraîcheur juvénile en une suave féminité et une vibrante sensualité. Son goût délicat se révèle dans le choix des couleurs pastel de ses tenues qui, dans une parfaite concordance, revêtent la blancheur exquise de sa peau et font écho à la teinte flavescente de ses cheveux.
Aujourd’hui, elle porte un chemisier rose poudré sous une veste spencer et un pantalon bleu marine. Des escarpins bleu-sombre complètent l’harmonie d’ensemble. Une rangée de perles de culture souligne la délicatesse des courbes de son cou. Des boucles d’oreilles bouche trous à dominante fuchsia font écho à son chemisier. Son rose aux lèvres et le fard à paupières estompé posent la signature finale à l’ode que la coquette Dina compose chaque matin à la déesse Élégance.

Extrait de "Tant que je peux te dire je t'aime"
Roman de Rida Lamrini

Bouznika, 19 novembre 2019