La journée a commencé par la visite inopinée de ma nièce.
Jeune maman, Ilham vient de rentrer au pays avec son mari et son fils de trois
ans après un séjour professionnel au Canada. Son univers tourne autour de son
foyer, son travail et sa proche famille. À l’heure où je m’y attends le moins,
elle me demande :
– Tonton, tu peux m’indiquer des domaines où je peux
être utile à la société ?
– Parce que tu trouves que tu n’es pas utile, la
taquiné-je.
– Ce matin, j’ai
vu des enfants sniffer dans les rues. Ça m’a fait mal. Mais, je me sens encore
plus mal, parce que je me contente de compatir. Je ne veux plus de ça. Je veux
agir. Je ne sais comment.
– Tu sais, si tu
fais bien ton travail et tu t’occupes des tiens, c’est déjà une belle contribution
à la société.
– Non Tonton, ce
discours ne me suffit plus. Je veux aider. Mais je veux tes conseils.
Ilham est
repartie, me laissant pensif. Elle finira par consacrer une partie de son temps
aux autres, j’en suis persuadé.
L’après-midi, un
autre neveu vient me demander conseil à son tour. Youssef, 27 ans, est un
informaticien brillant. Il n’a jamais été à l’aise dans ses différents emplois.
– Je vais monter une affaire, me dit-il tout de go.
Je m’en doutais.
Il ne peut tenir sur place. Trop imaginatif. Trop dynamique. Mais la surprise
est ailleurs.
– Je suis en train de mettre au point un portail qui
mettra en relation les ONG qui viennent en aide aux autres et qui ont besoin de
ressources, et les donateurs, individus ou organisations. Ce sera transparent.
Les donateurs pourront suivre en ligne où vont leurs dons.
– Sur quoi tu bases ton modèle économique ? ne
puis-je m’empêcher de demander. Il faut bien que tu assures les fins de mois ?
– Je fais pas ça pour l’argent. Je veux juste apporter
ma contribution à une société qui souffre.
Je suis tout chose.
L’après-midi avance lentement. Trop lentement à mon
goût. Depuis que j’ai ouvert l’œil ce matin, il me tarde d’être à ce soir. Une fondation
qui s’occupe des jeunes créateurs d’entreprises organise une fête pour des
jeunes incroyablement innovants. Ils ont conçu et monté des projets qui vont
révolutionner notre vie immédiate et future. Exemples : simplification du
process de dessalement de l’eau de mer ; production de produits BIO ; recyclage
des bouteilles de plastique en fibres polyester ; chauffe-eau solaire à faible
coût et à longue durée de vie ; production et commercialisation des bio-pesticides
fongiques ; tableau électronique interactif incroyablement peu cher ;
production d’énergie à partir des vagues marines ; réseau communautaire de
transport collaboratif ; extension de la vie des batteries des ordinateurs ; robot
d’inspection et de réfection des réseaux d’assainissement ; interface
intelligente intégrée aux réfrigérateurs pour gérer la date de péremption des
produits ; chaises roulantes pour personnes à mobilité restreinte alimenté par
une plaque photovoltaïque ; recyclage des déchets informatiques ; réseau social
d’entraide communautaire.
Toutes ces idées sont portées par des jeunes d’une
invraisemblable créativité, qui ne comptent que sur eux-mêmes, nullement
intéressés par un quelconque travail salarié. Peut-on après cela continuer à
penser que l’innovation vient uniquement de l’étranger…
Par leur engagement, leur idéalisme et leur
créativité, Ilham, Youssef et les jeunes novateurs ont illuminé une journée froide
du 12 décembre.
Rida Lamrini - 12 décembre 2012
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