Le soleil se couche, le ciel rougit. Rayan ouvre une cannette de soda, s’installe à la terrasse, regarde la campagne environnante. Dans sa vie, il lui semble marcher sur des sables mouvants, ne s’accrocher à rien de solide. Il n’encaisse pas d’avoir perdu Samia. Peut-il la récupérer ? Désorienté, il ouvre son PC, reprend le texte qu’il lui a écrit, qu’il n’arrive pas à envoyer :
Samia, mon amour,
Je continue à t’appeler mon amour. Un mot que je semble ne pouvoir dire qu’à toi. Out of the Blue, tu es entrée dans ma vie, une femme de plus dans mon itinéraire solitaire, que j’oublierais dans des étreintes furtives, des rencontres éphémères. Erreur. Tu t’es installée dans ma vie. Tu m’as aimé pour ce que j’étais. J’ai pris goût à tes vertiges amoureux, ton univers de tendresse. Depuis, chaque jour je pense à toi, chaque nuit mes rêves vont vers toi. Après une semaine d’un amour fou, tu es retournée à ton Paris trépidant, nous promettant de nous revoir, ne plus nous quitter.
Plus tard, alors que tu allais me rejoindre, le destin t’en avait empêché. Et lorsque j’allais m’envoler vers toi, mes soucis s’accumulèrent, mes peurs m’embrouillèrent. Je n’avais pas su exprimer mon désarroi. Devant mon téléphone, je suis resté figé dans ton souvenir. N’aurais-tu été qu’un fantôme ?
Pour sauvegarder notre amour, il nous fallait surmonter l’éloignement, vaincre l’adversité. Devant mes hésitations et l’acharnement du destin, tu as fini par renoncer à notre amour.
Pour apaiser ma peine, j’écris. Chaque jour, je compose un texte que je veux le plus beau qu’un homme n’ait écrit à une femme. Hélas, les mots dénaturent mes sentiments. Les phrases trahissent mes émotions. Chaque jour, le texte reste dans les limbes de mes pensées. Dans ma solitude, je continue de t’aimer. L’intonation de ta voix est toujours au fond de moi !
Loin de toi, j’erre de bras en bras, d’étreinte en étreinte. Je te cherche dans l’immensité d’un désert sentimental. Où es-tu ? Que fais-tu ? Que deviens-tu ? M’aurais-tu remisé dans les oubliettes de ta mémoire ?
Alors, j’attends un signe du destin, un signe de toi. Notre amour n’est pas mort. Un jour tu émergeras des brumes du souvenir pour revêtir la parure de la réalité. Ce jour-là, je te retrouverai, tu me reviendras, mon errance se terminera.
Rayan referme son PC, insatisfait de ses phrases, incertain de ses mots, perplexe devant un texte jamais parvenu à son destinataire.
La nuit est tombée. Le ciel est constellé d’étoiles. Le visage d’ange de son benjamin réapparaît. Un pressentiment le tourmente. Le bonheur continuera à le fuir. Il finira seul, ne mourra pas entouré.
Il entend un bip. Son fils Salim a envoyé un SMS :
Dad ! C’est terrible ! Des morts partout à Paris ! Mes amis sont en train de mourir !
Extrait du roman "Tant que je peux te dire je t'aime"
Jeudi 18 février 2021
Image d'après un tableau de Fouzia Jaidi