La ville que j’eus la chance de visiter récemment me semble sortie tout
droit d’un songe. Une ville où le temps s’écoule… comme à l’origine du temps.
Une ville restée à l’échelle des hommes et des femmes qui y vivent.
Durant les quelques jours passés entre ses murs, j’ai vu ses habitants
vaquer à leurs occupations dans une quiétude presque anormale. Nulle frénésie ne
les anime. Nulle précipitation ne les habite. Ils se saluent lorsqu’ils se
croisent, comme s’ils se connaissaient, comme s’ils étaient les membres d’une
même famille. Ils fréquentent les lieux de commerce, dans la sérénité. Ils
occupent les terrasses de café, dans la bonne humeur. Ils déambulent sur les
trottoirs, dans la nonchalance.
Ils sont prompts à vous sourire, à vous montrer le chemin. Ils
reconnaissent vite l’étranger, et se mettent en quatre pour le mettre à l’aise.
Pour peu, ils l’entraîneraient dans leur chaumière pour partager leur pitance du
jour. Ils sont agréables, ils sont joviaux.
Les voitures circulent à l’image des piétons, sans empressement, sans
impatience. Elles observent la signalisation et, ô comble du bonheur, ne
klaxonnent point. Oui, elles n’émettent aucun de ces horribles sons qui agressent
l’être humain. De la terrasse de café où je dégustais un thé à la menthe forte
de la région, j’ai pris un indicible plaisir à téléphoner à mes amis des
grandes métropoles, leur parler longuement, puis leur demander au bout de la
conversation s’ils avaient entendu le moindre coup de klaxon, cet affreux bruit
dont ils ont fait leur mode de communication privilégié au volant dans leurs
cités nombrilistes auprès desquelles plus rien n’existe ! Ils n’en
revenaient pas lorsque je leur disais que j’étais dans une cité bien de chez
nous !
Les autobus, roulent tout aussi sobrement, s’arrêtent aux endroits qui
leur sont réservés, près du trottoir. Les taxis répondent quand ils sont hélés,
et prennent leurs passagers à leur destination, sans leur imposer la leur
propre.
Les rues sont propres, les voies larges, les immeubles à dimension
humaine. En dépit de la dureté du climat, la verdure entoure les habitants et
agrémente la cité.
Le bleu intense du ciel est à peine entaché de légères traînées de
nuages d’un blanc immaculé. Le soir, les étoiles descendent du ciel pour
peupler les rêves des habitants. La nuit tombée, dans un continuum naturel, la
ville s’assoupit dans un sommeil préparé par le calme du jour.
Et si l’envie vous prend de vous aventurer dans ses environs, vous
serez sublimé par la majesté du désert, la féerie des paysages, la magie des
montagnes, l’envoûtement des rivières.
Non, il ne s’agit pas d’une ville utopique.
Elle est bien réelle, mais ne se laisse conquérir facilement.
Il faut pour cela se défaire de ses soi-disant occupations essentielles
et aller de l’autre côté des hautes montagnes du Grand Atlas, là où les hommes
ont encore une âme, où ils ont préservé des modes de vie ancestraux, où le
quotidien est régi par des valeurs d’une grandeur immuable. Il faut oser muer,
tomber sa peau de citadin emporté par les vagues tumultueuses de la modernité fallacieuse,
et retourner goûter à un bonheur fait de spontanéité, de solidarité et
d’humanisme.
Cette ville s’appelle Ouarzazate. On y écoute le silence. Il y fait bon
vivre. Autour de son cou, scintille un collier de perles ensorcelantes qui ont
pour noms Agdz, Zagoura, Tazenakht, Skoura, Kelaat Mgouna, Boumalne du Dadès. Dans
chacun de ces endroits fascinants, l’on est submergé par l’ineffable
hospitalité des habitants et la féerie magique des paysages.
J’ai eu du mal à m’arracher à cette ville et à ses environs
enchanteurs, nichés au pied de l’Atlas, à l’orée du désert qui leur a imprimé
profonde sérénité et élévation spirituelle.
J’espère que la vie me permettra d’y retourner, avec l’espoir d’y
couler des jours paisibles, emplis du bonheur fait de joies simples et
naturelles.
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